Résumé : Les équipements culturels constituent un élément central de l’image des villes. Lorsque leur lieu d’implantation est la banlieue, l’action publique doit faire face à une situation de double contrainte quant à leur éventuelle spécialisation : faut-il se conformer au paradigme dominant de la ville-centre dans le but de faire du territoire concerné « un territoire comme les autres », au risque de nier la spécificité de ses habitants et d’accentuer leur sentiment d’injustice, ou, au contraire, favoriser une esthétique différente, plus proche du territoire et de ses habitants, mais également susceptible de renforcer la stigmatisation ?
L’objet de cet article est d’étudier les controverses qui portent sur deux équipements culturels analogues, le projet de Centre des cultures du monde sur la rive droite de l’agglomération bordelaise, stigmatisée localement, et le Café-musique l’Affranchi, lieu dédié au hip-hop, qui se situe dans un quartier périphérique de Marseille. Deux choix opposés ont été effectués, et la comparaison permet de mettre en évidence le rôle des variables idéologiques et politiques dans la prise de décision : au nom d’un principe de démocratisation culturelle inséparable d’une idéologie « républicaine », le projet initial destiné à la rive droite de Bordeaux a été remplacé par celui d’un équipement culturel traditionnel, de manière à attirer les classes moyennes, dans une logique de rattrapage par rapport au reste de l’agglomération en général et à la ville-centre en particulier, symbole de la « grande » culture ; inversement, la municipalité de Marseille fait une sorte de pari : elle fait de son soutien au hip-hop un élément d’une politique d’image appuyée et généralisée qui vise à retourner le stigmate en emblème.
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